Quand il est question d’enfant intérieur

Publié le 18 Janvier 2016

Je vois passer beaucoup d’articles concernant l’enfant intérieur, et c'est un sujet qui me parle même si, justement, je ne sais pas comment m'adresser au mien. Voilà comment tout ça résonne en moi en ce moment.

Voilà plusieurs années que j’essaye de changer certains de mes comportements, notamment ceux qui concernent mes réactions disproportionnées et potentiellement blessantes vis-à-vis de mes enfants. C’est sans doute MissTer qui en fait le plus les frais. Ces derniers temps j’ai pris du recul sur ces réactions, je les accepte mieux, je suis moins dans la culpabilité, je les assume davantage, même si elle ne me plaisent pas trop. Ceci explique sûrement pourquoi je me sens plus attentive à mon vrai ressenti dans ces moments-là. Comme si accepter c’était aussi laisser de la place à d’autres possibilités.

Le cas qui me vient en tête à l’instant est celui, récurrent, où MissTer exprime un mécontentement face à quelque chose qu’elle n’a pas pu avoir. J’y perçois chez elle (c’est donc mon interprétation, absolument subjective) de la frustration, de la déception, et selon les cas de la jalousie par rapport à son frère qui aurait eu plus de je-ne-sais-quoi qu’elle.

De mon côté, je ressens de l’exaspération face à la répétition, je me demande quand on pourra enfin passer à autre chose et si un jour elle sera simplement contente de ce qu’elle a, et qui est déjà génial. Je suis également déçue parce que j’ai l’impression que mes attentions régulières envers elle ne sont pas vraiment perçues ou alors vite balayées et je ne sais pas quoi faire de plus pour lui montrer mon amour. Je suis aussi blessée qu’elle puisse penser qu’on l’aime moins / qu’on s’occupe moins / qu’on lui accorde moins de choses qu’à son frère. Enfin je suis triste de percevoir que ses ressentis sont profonds et pourraient l’empêcher d'être pleinement heureuse et inscouciante.

Et en même temps, je me retrouve tellement derrière le comportement de MissTer ! Je me revois enfant, très souvent jalouse de ma petite sœur. Je n’ai pas de souvenir précis de situations, mais j’ai cette boule au ventre et cette colère qui va avec, qui me reviennent. Je ressentais de l’injustice, beaucoup d’injustice. Avec le recul, je sais maintenant que cette injustice ne l’était que dans mon cœur et pas dans les actes de mes parents (puisqu’il s’agissait d’eux). Pourtant elle était bien présente, bien vivante, et personne n’y répondait de façon à m’apaiser.

Tout comme je ne sais pas aujourd’hui répondre à cette injustice qui semble envahir ma fille.

Quand il est question d’enfant intérieur

Je sais parfaitement que tout argument logique n’accèdera pas à son cœur, et pourtant je ne peux m’empêcher de lui prouver par mille et un exemples qu'elle est chanceuse, qu'on est là pour elle, etc. Oui mais voilà, au final, ça suppose quoi pour elle, que peut-elle entendre à travers mes réponses ? Qu’elle n’a pas de raison de se plaindre. Que son sentiment d'injustice n'est pas légitime… Et ainsi elle se trouve confrontée à une émotion qu’elle ressent, et à l'injonction de ne pas la ressentir. Une belle double contrainte. Exactement comme ce que je vivais à l’époque.

Et peut-être est-ce ce que je ressens encore aujourd’hui ? Parce que moi aussi je ressens de l’injustice quand je l’entends me faire des reproches. Je trouve ça injuste qu’elle souffre alors que j’ai la sensation de lui donner tant. Et c’est clairement cette injustice qui me fait réagir aussi fortement, en miroir.

Alors que faire avec cette situation ? Il me semble que tant que je n’aurai pas apaisé mon enfant intérieur, j’aurais bien du mal à prendre de la distance face aux émotions de ma fille.

Si je voyais aujourd’hui la petite fille que j’étais, qui souffrait d’injustice, qu’aurais-je envie de lui dire ? De quoi aurait-elle besoin ? Certainement pas de conseil et d’argument. Encore moins de critiques et d’énervement. Mais peut-être d’accueil, d’écoute, d’empathie. D’acceptation de ses sentiments, et de bras réconfortants pour se laisser aller et finir par s’apaiser.

Il est grand temps que je m’adresse à cette fillette-là et que je lui dise :

Je vois que tu ressens des émotions difficiles, parfois contradictoires, qui sont peut-être plus fortes que toi. Peut-être même que tu ne les comprends pas toujours. Et ces adultes-là, qui sont censés avoir raison et connaitre les réponses, ils ne t’aident pas trop, n’est-ce pas ? Ce sont un peu comme des portes qui se ferment quand tu aurais tellement besoin d’aller te ressourcer auprès de l’un d’eux ?

Je ne sais pas si j’arriverai à faire mieux qu’eux, mais je veux bien essayer et me laisser aller avec toi. Et si on jouait à être vraiment nous, sans faire semblant d'être fortes ou d'avoir confiance en nous ? Ainsi je pourrais te voir comme tu es, toute entière. Parce que tu vaux la peine d’être accueillie comme telle, parce que tu es une belle personne qui ne se résume pas à cette colère. Peut-être que si quelqu’un parvient à écouter cette colère, sans jugement, peut-être qu’alors tu parviendras à laisser filtrer toutes les autres facettes de ta personnalité, tout le côté solaire qui te caractérise aussi. Tout cet optimisme qui ne demande qu’à s’exprimer ne sera plus étouffé et viendra éclaircir le paysage.

Je ne te garantis pas que je parviendrai facilement à être cette adulte accueillante et bienveillante, mais tu mérites que je me donne les moyens et que je persévère. Pour toi, petite, et pour moi, grande. Et à terme, pour mes enfants qui méritent particulièrement une maman davantage dans l’accueil que sur la défensive.

....

 

 

Ce billet s'est écrit plus ou moins tout seul, davantage avec les tripes que les neurones. Il n'était pas destiné à être publié. Et puis finalement, je trouve intéressant que ces mots soient posés-là, pour en garder une trace, pour pouvoir y revenir plus tard et mesurer le chemin parcouru. J'ai bon espoir d'avoir trouvé une clé, mais je ne suis pas encore convaincue de savoir comment déverrouiller la porte ...

Rédigé par Aloès

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A
Très beau message ! Quelle belle confiance tu nous fais en le publiant ! Merci à toi.
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B
je ne connaissais pas cette expression ou ce concept d'enfant intérieur. Je crois que d'une il y a tout simplement le tempérament de l'enfant, son caractère qui entre en compte (Pimprenelle râle tout le temps et n'est jms contente comme ta MissTer alors que Bouchon est toujours heureuse même si il fait de grosses colères) et de deux la place dans la fratrie. Je suis certaine que l'aîné(e) ou les aîné(e)s en bavent toujours plus car on est forcément plus demandé par les petits, et on rigole toujours plus de leurs pitreries car c'est encore "mignon" .... ça se tasse avec le tps. Après tu l'as toi-même vécu moi jamais ayant été élevée en fille unique (mes 1/2 frères et soeurs étant bien plus âgés que moi)pas du tout ! Mais Pimprenelle comme MissTer se plaint qu'on préfère Bouchon, qu'elle est la cosette de la maison en qque sorte ! Le texte que tu as écrit il faut en effet lui dire ... moi j'aime les moments en tête à tête le soir dans son lit au coucher ... j'aime mettre les chose au clair avant qu'elle s'endorme pour l'apaiser et la rassurer ... très joli post !
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A
Oui tu as raison, il y a mille et un facteurs qui peuvent expliquer les plaintes de MissTer. Et ça n'enlève rien au fait qu'elles soient présentes et que je ne l'aide pas trop à y faire face. Je ne veux pas non plus me flageller, simplement ça fait écho à ce que j'ai pu vivre et je voudrais l'accompagner vers de l'apaisement, comme j'aurais aimé qu'on fasse avec moi ;) C'est vrai que les moments privilégiés comme le soir ou pendant l'activité de son frère peuvent se prêter à la discussion. Merci d'avoir pris le temps de commenter !
A
Oui tu as vraiment bien fait de publier ce que tu as écrit, tu as trouvé les mots justes.
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A
Merci aggie, j'ai aussi beaucoup aimé ton dernier billet ;)
K
C'est très beau ce que tu écris, et tu as décidemment bien fait de le poser là <3
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A
Merci beaucoup, je n'étais pas sûre de me faire bien comprendre, il semble donc que si ;)